Les précurseurs de la Renaissance

Pour comprendre l’apport des précurseurs de la Renaissance il est utile de regarder leurs oeuvres en rapport avec les oeuvres qui les ont précédées. Ci-dessous trois exemples d’oeuvres qui précèdent de quelques dizaines d’années seulement les précurseurs de la renaissance.

Tout d’abord, une ouvre de Berlinghiri Bonaventura datée de 1270:

L’oeuvre est marquée par le style byzantin qui était alors de rigueur en Italie.  Les personnages ne sont pas réalistes, les corps sont déformés. Une feuille d’or tient lieu de paysage et les personnages ne s’inscrivent dans aucun décor réel et aucune perspective.

Le deuxième tableau date de 1250, si le format n’est plus celui d’une icône de nombreuses caractéristiques demeurent:

Toujours pas de décor remplacé par une feuille d’or, grossièreté des traits des visages, très peu de diversité dans la pose des corps, les hommes sont sans mouvement.

La troisième oeuvre proposée est également du 13ème siècle. L’oeuvre se détache en apparence plus des oeuvres byzantines ne serait-ce qu’avec la disparition de la feuille d’or, mais les proportions du bâtiment sont totalement irrèalistes par rapport à la taille des personnages, le mouvement du personnage de droite est peu naturel et les traits des personnages sont toujours grossiers:

Face à ces peintres, trois exemples de peintres de précurseurs de la Renaissance.

Pietro Cavallini (1308):

Cimabue 1278:

Giotto 1304:

Les différences sautent aux yeux: réalisme des poses, finesse des visages, qualité des perspectives.  En quelques dizaines d’années le moyen âge disparait et les bases de la Renaissance sont posées.

l’Assomption de la Vierge de Rosso Fiorentino (1517)

Le Rosso est un des peintres les plus intéressants du maniérisme. Maître du bizarre et du dérangeant il nous montrera dans ces oeuvres futures que la beauté peut ne pas être classique. Son Assomption ne présente pas encore toute l’étendue du style qui sera plus tard développé par Rosso mais on peut déjà deviner le génie.

Si le tableau est au premier abord assez classique on ne peut pas s’empêcher de tenter d’y détecter de premiers signes du “bizarre”.

Premier signe de maniérisme, la perspective de l’espace ou plutôt son absence, pas de bâtiments ou de repères qui pourraient nous aider à localiser l’action, uniquement le gris qui n’est pas le gris du ciel mais celui d’un espace indéfini, inquiétant.

Sous ce ciel une marée de personnages aux attitudes diverses allant de la surprise à une apparente indifférence au miracle en train de se produire. Chaque personnage pourrait justifier un développement propre, de ce pélerin sur l’extrémité gauche qui est détaché de l’action et dont le traitement si détaillé absorbe le regard, à cet homme de dos au centre du tableau dont l’habit déborde du cadre de la fresque, chaque attitude visage et position nous détourne du spectacle du miracle.

Passant presque inaperçu au premier abord il y a ce personnage, le plus dynamique entre tous avec son pas en avant et qui semble délibérément tourner son visage loin de nous vers une partie de la scène où rien ne se déroule. Son vêtement se gonfle dans son dos, ses cheveux courts nous font penser qu’il s’agit d’un jeune homme.

Et au dessus de ces hommes bien sur le miracle de l’Assomption et le ciel qui se déchire fait apparaître la seule perspective de ce tableau qui en devient d’autant plus frappante.

Et la dynamique entre la partie supérieure qui est celle qui devrait intéresser en premier lieu le spectateur, ce miracle que le commanditaire voulait célébrer dans son église et la partie inférieure qui représente la partie mondaine qui est tout à tour détachée ou reliée au miracle tour à tour spectateur du miracle ou mystère en soi fait l’intérêt du tableau. Cette dichotomie entre terrestre et divin qui est le principe de ces représentations de l’Assomption gagne en complexité et notre lecture n’est plus évidente elle devient heurtée et les allées et retours forcés entre les plans et les personnages nous font retrouver le Rosso rebele à l’harmonie. Marie elle même n’est pas apaisée et si on ne sait pas si la main tendue l’est par détresse ou pour saisir la vision qui s’offre à elle et nous échappe, ce geste n’est pas un geste invitant au calme et son visage n’offre ni sourire ni sérénité.